Prudence si un ex-collègue opposé à votre employeur vous demande de témoigner en sa faveur
Posté le 30 juin 2025Une employée de société est sollicitée par une ancienne collègue en litige avec l'employeur pour communiquer des documents (e-mails ou autre) et faire une déclaration en sa faveur et contraire à l'employeur. Prend-elle un risque en acceptant?
Vu le contrat de travail, employé et employeur se doivent d'être loyaux l'un envers l'autre, ce que la loi du 3-7-1978 transpose en son article 16 en rappelant que «> Il paraît évident qu'une déclaration d'u
travailleur consentie à l'un de ses collègues ou anciens collègues dans le cadre d'une procédure litigieuse l'opposant à l'employeur est susceptible de porter atteinte aux intérêts de celui-ci ou d'aller à leur encontre.
Ce devoir de réserve et de discrétion est logique en vue de maintenir la relation existante. Ce sera certainement le cas lorsque le témoin confirme des manquements ou émet un témoignage très critique au sujet de son employeur ou s'il fournit des informations confidentielles, des mails ou communications dont son collègue ne dispose pas ou plus et qui ne sont pas publics.
A ce stade, la loyauté due à son employeur en vertu du contrat lui commanderait de s'abstenir de lui porter atteinte, ce qui sera certainement le cas si le témoi- gnage ou les documents fournis incriminent l'employeur (et ce, même si les documents ne sont pas en soi confidentiels). Sans compter l'interdiction pénale de calomnier ou le risque de fraude
informatique. D'autant que le travailleur est aussi tenu, sous le même article 17, de taire toute affaire à caractère personnel ou confidentiel relative à l'employeur obtenue dans le cours du contrat.
Et qu'un tel témoignage, même sur des matières couvertes par la loi du 28 novembre 2022 sur la protection des personnes qui signalent des violations au droit de l'Union ou au droit national (whistleblowing) comme les marchés publics, la santé ou la fraude fiscale, n'induira pas de protection si un signalement interne ou externe n'a pas déjà été fait.
Le droit de témoigner en justice
Cela étant dit, la Cour de Cassation française, dans son arrêt du 10 juillet 2024, a considéré que témoigner en justice est un droit fondamental dérivé des articles 6 à 10 de la Convention européenne des droits de l'Homme, qui l'emporte sur le devoir de loyauté à l'employeur de sorte que le devoir de réserve et de discrétion est logique en vue de maintenir la relation existante entre l'employeur et le salarié. Licenciement d'un travailleur ayant ainsi témoigné est nul. En tout cas, émettre un témoignage de bonne foi confirmant de manière factuelle le comportement du collègue, ses qualités, sa manière de travailler ou même son ressentisans émettre de critiques quelconques sur l'employeur ni se prononcer sur sa responsabilité ou d'éventuels torts paraît somme toute plus acceptable.
Évidemment, le travailleur qui souhaiterait retrouver sa liberté de témoigner pourra démissionner ou plus simplement l'ancien collègue sollicitera du tribunal que le travailleur soit entendu comme témoin, auquel cas il sera tenu de dire la vérité et cette obligation de la loi primera sur le devoir de loyauté-en l'absence d'un véritable secret professionnel réglementé.
On le comprend, la question est sensible et le travailleur sollicité fera bien d'être prudent pour éviter un éventuel licenciement pour
motif grave ou une demande de dommages et intérêts, voire une plainte.
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