Annulation du cash for cars

Posted the 6 February 2020
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Le « cash for cars » fut annoncé comme le remède au problème des voitures de société. À force de petites mesures « one shot, on a mis à mal la notion de rémunération au point de créer des discriminations entre travailleurs.

À force de bricoler on a déforcé la notion de rémunération

Par un arrêt du 23 janvier, la Cour Constitutionnelle a annulé la loi du 30 mars 2018 « concernant l’instauration d’une allocation de mobilité » c’est-à-dire le système du « cash for cars » ou l’échange de la voiture de société contre une allocation (cash) mobilité.

La Cour considère que cette législation crée une discrimination et une inégalité discale – entre les travailleurs disposant d’une voiture de société et ceux qui n’en ont pas – qui n’est pas valablement justifié. De plus, la Cour constate qu’il n’est pas démontré que la mesure permet de réduire le nombre de voiture de société.

La notion de rémunération est centrale en droit belge, que ce soir en droit du travail ou au plan fiscal ou de sécurité sociale. Cette définition varie légèrement entre ces trois matières, mais le point commun reste qu’il s’agit de la contrepartie du travail accompli. Peu importe qu’elle soit payée en cash ou en avantages en nature à raison d’1/5 au maximum.

Et cette contrepartie est soumise à imports et aux cotisations de sécurité sociale.

Par principe, les mêmes prélèvements devraient être appliqués sur tous les éléments de rémunération c’est-à-dire les barèmes progressifs de l’IPP et les cotisations ordinaires de sécurité sociale.

La charge est cependant tellement lourde (la Belgique reste obstinément dans le top trois des pays taxant le plus les revenus du travail) que les employeurs ont cherchés des rémunérations dites « alternatives ».

Inflation d’avantages et régimes divers

Comme les avantages en nature sont difficiles à évaluer et que le fisc privilégie une valorisation forfaitaire assez basse, des GSM, des ordinateurs, des tablettes, des connexions internet tout cela sous couverts d’un usage professionnel – certains de ces avantages n’étant même pas taxés au début. Je passe sur les domestiques, les dépenses de chauffage ou la mise à disposition d’un logement.

Des avantages dit « sociaux » tels que les chèques-repas / éco-chèques ont aussi été mis en place avec des finalités collectives ou écologiques. Et on a encore encouragé l’octroi d’options sur actions ou d’actions. Mais jusque-là, le salaire payé en cash restait a priori soumis aux mêmes règles.

Problème, malgré ces mesures, le salaire net des Belges s’érodait. Alors plutôt que de s’attaquer à la cause de cette inflation d’avantages et de régimes divers et de réformer un système discal taxant trop lourdement le travail, ont été mises en place diverses mesures one-shot telles que la participation financière ou les bonus non-récurrents où, pour la première fois, on pouvait payer du cash, mais sans qu’il soit traité comme du « salaire ». Suivi ensuite par la compensation financière de la cession des droits d’auteurs. Tous des régimes soumis à des conditions particulières. Puis, comme cela ne suffisait pas et qu’il fallait réparer les effets pervers de l’octroi des voitures de société et la contradiction dichotomique de celles-ci dans un contexte devenu éco-sensible, on est passé au stade suivant, c’est-à-dire d’autoriser que ces avantages soient troqués contre du cash qui ne serait – fictivement- plus taxés comme du salaire.

Donc, on a le salaire cash qui est taxé comme du cash et le salaire cash qui n’est plus taxé comme du cash. Vous suivez ? Le tout prêt à mixer dans les « plan cafétéria » dans une atteinte évidente à la liberté de tous de disposer de leurs rémunérations librement.

À force de bricolage, de rustine, le système est au bord du blocage.

Le cash for cars a abouti, mais le quidam sait moins qu’il fut aussi question de supprimer les chèques-repas et les éco-chèques au profit d’une indemnité cash exemptée. Cette dernière mesure fur recalée par le Conseil d’État. Et pour le cash for cars, ce dernier avait été très critique et notamment déjà soulevé un risque de discrimination.

Il y a peu nous écrivions déjà : « La déconstruction progressive – à coup d’extension, d’exception, de conditions – du concept de rémunération qui frappe tant la fiscalité que la sécurité sociale crée une insécurité juridique préjudiciable pour tous. Il serait temps que nos politiques s’en soucient. » C’est précisément ce que la Cour confirme en jugeant que le système est discriminatoire. À force de bricolage, de rustine, le système est au bord du blocage. Peut-être le législateur entendra-t-il le message de la Cour.

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